lundi 20 décembre 2010

Augusten Burroughs is my Hero - Courir avec des Ciseaux

Deux lectures en l'espace de moins de six mois. Je n'avais pas été aussi enthousiaste à propos d'un auteur depuis longtemps.

Ma découverte de Courir avec des Ciseaux et d'Augusten Burroughs a été le fruit d'un total hasard. En lisant un jour la biographie de Ryan Murphy, qui avait réussi à me fasciner avec Nip/Tuck, je me suis aperçue qu'il avait réalisé un film, jamais sorti en salles en France. Pourtant, avec un casting de rêve et une production signée Brad Pitt et Jennifer Anniston, cet ovni avait tout pour être un vrai succès. Son visionnage m'a totalement fascinée et j'ai alors eu besoin d'en savoir plus.

J'ai donc appris ainsi l'existence d'Augusten et ai immédiatement commencé à dévorer l'intégralité de son œuvre à un rythme très soutenu. Courir avec des Ciseaux n'allait être que le premier de la liste et aussi certainement le plus choquant.



Augusten Burroughs nous y conte essentiellement son adolescence chaotique dans les années 70 avec un talent teinté d'une sensibilité et d'un humour incomparable. Entouré d'un père absent et alcoolique qui semble ne lui accorder aucune attention (leur seule activité commune se résumant à emmener leurs ordures ménagères à la déchetterie) et une mère poète complètement narcissique qui ne s'intéresse à lui que par intermittence, parce qu'il lui renvoie une image d'elle-même flatteuse, le jeune Augusten a du mal à trouver sa place. Evidemment, ses parents ont des relations extrêmement conflictuelles et violentes. Sa mère souffre également de graves troubles mentaux et est régulièrement sujette à de terribles crises psychotiques.

Pour survivre, Augusten développe petit à petit une personnalité hors du commun et se rattache au peu de choses qu'il réussit à contrôler dans ce quotidien morne et malheureux (sa coiffure et l'éclat de ses bijoux, par exemple). De toute façon, il n'a alors aucun ami (il écrira en avoir eu deux par le passé, mais sa mère ayant "énervé" leurs mères respectives, celles-ci ont interdit à leurs rejetons de le fréquenter).

Si vous pensez que cette histoire n'est, somme toute, rien que de très banal, peut-être changerez vous d'avis en apprenant qu'à l'âge de 13 ans, la mère d'Augusten confie son fils de manière quasi-définitive aux bons soins de son psychiatre, un médecin farfelu qui ressemble au Père Noël, et l'abandonne littéralement dans la maison pour le moins spéciale de ce dernier. Il y vit avec sa famille recomposée et quelques patients qu'il héberge ponctuellement (ou, pour certains, de manière presque permanente).

Ce qui horrifie d'abord notre héros et nous par la même occasion, c'est l'aspect crasseux de la demeure en ruines qui jure dans le quartier, plutôt coutumier des maisons cossues et rutilantes. Lui qui aime l'ordre et la propreté est obligé, par la force des choses, de s'acclimater à un environnement complètement bordélique où disputes, tensions, mais aussi une immense liberté règnent. Cette liberté, il la chérira autant qu'elle lui pèsera, puisque comme il l'écrira, il aurait aimé que quelqu'un lui dise parfois ce qu'il ne faut pas faire. Il lui arrive donc de s'emprisonner lui-même. Mais le docteur considère que chacun, dès l'âge de 13 ans, est suffisamment mûr pour prendre ses propres décisions et Augusten apprécie de se sentir écouté pour la première fois de sa vie et de constater que l'on s'adresse à lui comme à un adulte.

Les scènes surréalistes et d'une violence psychologique souvent inouïe se succèdent et on peine à croire en 2010 que les évènements aient pu se produire tels que Burroughs les décrit. Et pourtant. Dans cette famille tellement instable et bancale, Augusten finit par s'affirmer et savoir ce qu'il veut faire de sa vie. A l'âge où une personnalité se construit généralement, celle d'Augusten se déconstruit sous nos yeux, avant que progressivement, celui-ci finisse par trouver sa voie.

Avec une lucidité et un recul incroyable sur la bizzarerie du monde qui l'entoure, l'auteur nous témoigne pourtant la tendresse qu'il ressent pour chacune des personnes de sa nouvelle famille. Mais cela ne l'empêche pas d'envier le manque d'attaches sentimentales de son frère biologique, atteint du syndrome d'Asperger.

Au fil du temps, Augusten sera sans cesse tiraillé entre deux sentiments : celui d'avoir simplement envie d'une vie normale, et celui d'être parfaitement dans son élément au sein la famille Finch.

Souvent poignantes, ses mémoires, qui portent pourtant le nom de "roman", nous emmènent sur des montagnes russes d'émotions fortes, qui nous font en permanence nous remettre nous même en question, et nous amènent à changer notre vision du monde. Avec ses mots, il a la faculté de nous montrer le meilleur des gens, nous apprend à ne juger personne sur les apparences (après tout, il s'est lui-même toujours senti différent et parlait aux branches des arbres lorsqu'il était petit). Courir avec des Ciseaux délivre avant tout un formidable message de tolérance et lorsqu'on referme le livre, on se sent changé. On a grandi, en même temps que son auteur.

dimanche 12 décembre 2010

Oh La La! à la Flèche d'Or - 3 décembre 2010

Quasiment un an et demi jour pour jour après notre dernier live du groupe de Natacha Le Jeune, nous étions fébriles à l'idée de le retrouver sur scène pour préparer la sortie de son premier album, le 24 janvier prochain. Si la salle était déserte à notre arrivée, nous eûmes tout juste le temps d'avaler une bière ou deux avant qu'une petite foule de connaisseurs arrive à la Flèche d'or et que le concert commence.

Toujours plutôt froids en arrivant sur scène, Natacha et ses deux compères ne nous adressèrent pas de bonjour. Oui, c'est là la première nouveauté : le groupe ne compte plus que trois membres, comme différents articles parus dans la presse jusqu'alors avaient pu le laisser supposer. Mais ce n'est pas tout. En lieux et places des bassistes et clavier, on retrouve... Natacha, un peu paumée, qui fait le boulot de trois personnes à la fois, pas toujours de manière très convaincante.



Pourtant, les chansons, sexy et entraînantes, étaient bien là. Natacha n'entama pas son set par le single Relax, qui tourne depuis quelques mois sur Ouï FM (l'ancienne Radio Rock cuktivée et cultivante devenue la propriété d'Arthur, monsieur Virgin Radio) mais par Goodbye Superman. Autant dire que nous les connaissions par coeur, après plus d'un an et demi passés à les écouter.

Textes provocateurs, sexuels, ambigus, le groupe fait moins dans la dentelle qu'AS Dragon, qui pourtant se posait déjà là. Natacha en rajoute même en brandissant son poing sur Un poing c'est toi (écrite par Philippe Katerine), alors que le caractère explicite de cette chanson est déjà assez évident. Si l'on redécouvre avec plaisir Rendez-vous avec un salaud, que nous n'avions plus entendue depuis longtemps, les deux nouveautés chantées en anglais s'avèrent être les titres les plus faibles du concert.



On attend un show, celui d'une bête de scène qui sait d'ordinaire transmettre son énergie rageuse et tendue. Mais malheureusement, le concert ne décollera jamais vraiment. Natacha a l'air crispée de retrouver un public parisien aux réactions quasi-inexistantes. Clément Fionio (également membre de Paco Volume, avec Antoine Boistelle, le batteur) prend quant à lui de plus en plus d'espace au sein de la formation, aussi bien sur scène qu'au chant et Natacha semble lui laisser de la place sans regrets. Si elle commence un peu à se lâcher vers la fin sur Paris ne t'aime pas, qui est incontestablement le meilleur titre du futur album, c'est un peu tard, et l'ensemble nous laisse tout de même beaucoup sur notre faim. Nous n'imaginions pas tant de froideur.




Pour sa défense, le groupe est neuf et a sans doute encore besoin  de se roder et de comprendre ce qui lui réussit. Natacha Le Jeune étant responsable de certaines de mes émotions les plus fortes en concert, j'attendrai de voir la suite (et d'écouter l'album) avant de tracer une croix sur Oh La La!



Après le set, toute stressée et timide, j'ai pris mon courage à deux mains et me suis approchée de la chanteuse alors qu'elle était au bar en train de discuter. Nous avions déjà échangé quelques messages sur Facebook et je mourrais d'envie de lui proposer une interview. Elle m'a demandé ce que j'avais pensé du spectacle. J'ai répondu que j'avais trouvé ça bien, mais qu'elle m'avait semblé tendue, surtout au début. Tout de suite, elle a semblé vexée car comme j'avais pu le lire ici ou là, ce qu'elle souhaite avant tout, c'est bien se démarquer de son ancien groupe et de l'image qu'elle avait pu y donner. Pour en savoir plus, je lui ai alors proposé de faire une interview pour le blog. Très gentille, elle m'a immédiatement écrit son adresse e-mail sur un flyer qui traînait et après l'avoir saluée, je suis repartie fière de moi et pleine d'espoir.