mardi 1 novembre 2011

At the sound of the Polisse

Je ne vais jamais au cinéma. Il m'arrive d'en avoir envie, mais au prix d'un ticket chez Gaumont, je préfère largement préparer un repas sympa pour deux ou aller voir un concert dans une petite salle parisienne. Le cinéma est hors de prix, soyons réaliste. En 1996, une entrée dans mon petit cinéma de province coûtait à peine 30 francs, soit 4,5 euros (certes, en tarif jeunes). Je ne vais pas assez souvent au cinéma pour m'abonner à une quelconque salle, et j'y vais d'autant moins que le prix des billets à l'unité est scandaleux. Qui peut se permettre d'aller au cinéma deux fois par semaine de nos jours ?

Bref.

Le mois dernier, je me suis rendue deux fois dans des cinémas, fait assez rare en soi. J'y ai vu deux films français (là, c'est carrément surréaliste), et si les deux m'ont beaucoup plu, le deuxième reste depuis gravé dans ma tête et il risque de me marquer pendant encore très longtemps. Il s'agit de Polisse, de Maïwenn. C'est d'autant plus facile que le film a bénéficié d'une bonne grosse campagne de pub et que Maïwenn et Joey Starr ont couru un véritable marathon promotionnel ces trois dernières semaines. On ne pouvait pas les louper.



Comme à son habitude, Maïwenn nous fait le coup de la mise en abîme. Comme d'habitude, on ne sait pas trop s'il s'agit d'un docu ou d'une fiction. Comme d'habitude, c'est plutôt génial. Pourquoi ? Parce qu'on passe du rire aux larmes (je n'exagère pas, j'ai même eu peur que mes voisins entendent mes sanglots incontrôlables lors d'une scène émotionnellement insoutenable), parce que le côté documentaire est hyper crédible, parce qu'on sent que les tranches de vie que Maïwenn partage avec nous ont réellement été vécues, parce que les acteurs sont tous magistraux (on en reparle plus loin), parce que les enfants sont bluffants, parce que c'est captivant et choquant, parce que la construction du film est idéalement faite, de telle façon qu'on a toujours le temps de reprendre son souffle entre deux horreurs. C'est cru. C'est violent et émouvant. Nous sommes tous comme le personnage de Maïwenn, témoins involontaires de l'indécence du monde qui nous entoure. Mais ça, tout le monde l'a déjà dit.

Alors histoire de faire la mauvaise élève de la classe, celle qui passe son temps à râler, je souhaiterais revenir sur quelques points que j'ai trouvés regrettables, justement dans une oeuvre aussi particulière.

D'abord, il faut arrêter avec Joey Starr. Tout le monde a passé son temps à vanter ses mérites, à souligner à quel point il impressionne dans ce rôle de flic, un gros dur au coeur tendre, alors qu'il faut être honnête : ce film a été écrit pour lui. Ce rôle, c'est lui. Sa propre mère l'a dit : elle ne comprend pas ce que les gens trouvent si merveilleux dans le fait de voir Joey Starr dans ce rôle puisque ce qu'elle voit, elle, c'est juste son fils !

Par ailleurs, c'est Joey Starr qui s'est tapé tout la promo ou presque. Ca tombe bien, puisqu'il a justement un album qui sort au même moment et qu'il a pu faire d'une pierre deux coups. Mais où étaient les autres acteurs ? Parce que celles que j'ai trouvés vraiment magnifiques dans ce casting, ce sont surtout Marina Foïs et Karine Viard. Et finalement, ce sont aussi les plus discrètes. Qu'on ait moins entendu dire à quel point elles étaient brillantes me semble une grave injustice.

Ensuite, j'avais entendu Audrey Pulvar chez Ruquier dire qu'elle trouvait dispensable la relation amoureuse entre le personnage de Maïwenn et celui de Joey Starr (ce avec quoi il était entièrement d'accord, il s'est même levé pour lui serrer la main). Eh bien ils ont entièrement raison, tous les deux. Non seulement c'est cliché (et ce n'est pas le seul aspect cliché du film), inutile et assez ridicule, mais ça n'apporte strictement rien à l'histoire. C'est amené comme un cheveu sur la soupe et le côté "la belle et la bête" qu'on a déjà vu 2000 fois agace beaucoup. Le flic bourru mais gentil dans le fond déteste cette photographe qui s’immisce dans son quotidien. Selon lui, elle cherche à appâter le public avec des images racoleuses. Alors un jour, il lui passe un savon, lui dit d'arrêter de s'habiller en dame et d'enlever ses lunettes, et la voilà transformée. Puis, ils dansent un slow et hop, ils tombent amoureux. Euh, ouais, mais sinon, le fait que les deux personnages n'aient absolument rien en commun, ça ne gêne personne ? Euh, moi, un peu...



Et puis le coup de la réalisatrice qui joue le rôle d'une cinéaste amateur/réalisatrice/photographe dans tous ses films, ça commence à devenir lassant. On n'a pas besoin d'elle et c'est flagrant dans Polisse, et plus gênant que dans Pardonnez-moi ou Le Bal des Actrices. L'histoire, ces petites chroniques du quotidien de la brigade de protection des mineurs se suffisent à elles-mêmes.

Maintenant que j'ai couvert d'insultes Polisse, que j'ai exprimé mes petites frustrations inhérentes à l'oeuvre, je vais enfin pouvoir continuer à savourer sa beauté, sa poésie et son charme pendant de longues années. On ne peut rester de marbre devant ce film dérangeant et profondément humain. On passe par toute une palette de sentiments : du dégoût, du mépris, de l'incompréhension, du bouleversement, de la compassion, mais jamais de l'indifférence, et c'est toute la force de la nouvelle pépite de Maïwenn.