dimanche 21 novembre 2010

Rubber - Quentin Dupieux

Peu de personnes parmi vous le savent, mais je suis une grande fan de cinéma d'horreur, de films gore en tout genre, de séries Z et autres séries B. Rien ne me plaît plus, après une semaine stressante, que de regarder un tel film, en me cramponnant à mon siège comme une hystérique. C'est plus fort que moi, ça agit sur mes nerfs comme un véritable exécutoire. En outre, rien ne me plaît plus que lorsque le film en question joue avec le spectateur et manie l'humour noir. 

Je ris beaucoup, mais surtout de l'absurde et le quotidien m'amuse toujours plus qu'un spectacle comique écrit. En fait, je n'aime pas trop l'improvisation non plus, surtout dans un one-man-show, et j'ai du mal avec le stand-up, notamment parce que je ne supporte pas qu'on essaie à tout prix de me faire rire. Quand j'entends un comique lancer une vanne et attendre les éclats de rire des spectateurs, ça m'agace, je n'y peux rien. Je n'ai pas plus envie de rire dans de tels moments que s'il me tendait un panneau "RIRE" comme un vulgaire chauffeur de salle.

Pour toutes ces raisons, j'ai adoré Rubber, dernier film de Quentin Dupieux.



D'abord, le contexte annonce clairement la couleur : on est dans un désert américain, type Arizona, dans lequel on est plus susceptible de croiser une décharge sauvage qu'un autre être vivant. Évidemment, tous les classiques du genre sont réunis : la route interminable et vide, la station service glauque et presque abandonnée, avec son téléphone public qui ne fonctionne pas, et bien sûr les motels miteux des bords de route. Ah, j'oubliais, il y a aussi la traditionnelle fille en mini-short.

Maintenant que le décors est planté, il nous faut un tueur. Et c'est là que Quentin Dupieux est fort. Son tueur à lui, c'est un pneu, un simple pneu abandonné dans une décharge. A peine a-t-il pris vie qu'on le sent animé par une haine féroce contre tout ce qui l'entoure, excepté la fille en short : de la canette vide à la bouteille de bière, en passant par un pauvre lapin ou un corbeau qui n'ont commis, pour seule faute, que celle d'avoir croisé sa route. Doué de pouvoirs de psychokinésie, notre ami ne se contente bientôt plus seulement d'écraser les importuns de tout son poids, il leur fait littéralement exploser la tête...

Mais il y a mieux. Car l'épopée sanglante de notre ami Robert est suivie avidement par un groupe de spectateurs qui campent dans le désert et l'observent aux jumelles. Que font-ils là, demanderez-vous ? Apparemment, ils auraient payé leur place pour assister au spectacle, comme nous, pauvres cinéphiles qui avons dépensé plus de 10 euros pour nous retrouver dans une minuscule salle de Gaumont dans le seul but de suivre les aventures d'un pneu serial-killer.

ALERTE SPOILER (Si vous voulez voir Rubber, je vous déconseille de lire la suite, sous peine de voir l'intense suspense de ce road-movie tomber à plat) 

Tout au long du film, le réalisateur ne cesse de nous rappeler qu'il ne s'agit que de cinéma, que tout cela est fictif et qu'il ne faut surtout pas le prendre au sérieux. L'un des personnages principaux, le shérif chargé d'enquêter sur les morts suspectes, nous le prouve même explicitement lors d'une scène hilarante au cours de laquelle il demande à ses inspecteurs de lui tirer dessus et qu'il leur dit qu'il ne sent strictement rien (bien qu'il se mette à perdre des litres de ce que l'on imagine, du coup, être du faux sang).

Pourquoi le tueur est-il un pneu ? Pourquoi le shérif ne meurt-il pas en se faisant tirer dessus alors que la pauvre femme de ménage de motel finit avec le crâne déchiqueté ? Pourquoi le pneu écoute-t-il attentivement le gamin lui parler avant de faire demi-tour et de l'abandonner ? Pourquoi l'épargner alors qu'il lui balance une canette dessus ? La seule et unique réponse à cela est sans doute : No reason, et ce n'est pas le shérif qui me contredirait.

Fable poétique et contemplative, série Z, film absurde, Rubber est tout cela à la fois. Que faut-il en attendre ? Rien, surtout. N'y allez pas en espérant voir du sang, ni un film d'horreur, ni en croyant que le film vous fera mourir de rire. Mais soyez assurés de trouver en Rubber un souçon de chacun de ces ingrédients.

Scène émouvante : Le pneu est amoureux, le pneu se sent seul et moche, comparé à Roxanne Mesquida (et on le comprend). Devant un miroir, il observe successivement son profil droit, puis son profil gauche et on peut presque lire la déception sur son visage (il a un visage, puisqu'on le voit boire de l'eau).

Scène culte avant l'heure : Le shérif enlève l'un des pneus de sa voiture, l'amène devant ses inspecteurs et déclare : "Voilà à quoi ressemble notre assassin".


6 commentaires:

  1. Oh là... tu sais que sur les dernières 72 heures, tu as plus publié d'articles que moi ? :-))

    Sinon Rubber est excellent, un des meilleurs films que j'ai vus cette année (bon ok, j'en ai vu peu). A ne pas manquer.

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  2. Ah, le Doc a de la concurrence... je ne m'attendais pas à trouverune fille sur ce créneau...

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  3. @ Thomas : Oui, c'est bien ce qui me prouve que ça ne peut pas durer comme ça !

    @ Xavier : Oui, on me le dit souvent : je ne suis pas une vraie fille...

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  4. Oui j'ai adoré aussi ce film, qui est rondement menée, et bien interprété malgré ce minimalisme apparent. A la fois jouissif dans son humour et intelligent dans sa réflexion. J'en ai fait une petit critique ici: http://tascapotosina.blogspot.com/2010/12/rubber-quentin-dupieux.html

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  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  6. Mais... mais... mais...
    Et la musique de "Rubber", dans tout ça??? :)

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